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Jean-Luc Charron, président FF Aéro : "Mes priorités pour le nouveau gouvernement"

L'Essentiel - Aviation Propre a rencontré l'énergique président de la Fédération Française Aéronautique. En poste depuis 2017, année de mise en place du gouvernement Macron I, il assiste aujourd'hui à celle de Macron II, à l'attention duquel il glisse quelques suggestions.

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Jean-Luc Charron, président de la Fédération Française Aéronautique - © FF Aéro

Jean-Luc Charron « a toujours quelque chose à dire », pour paraphraser l’adage auquel seront sensibles les plus anciens. Mais lorsque l’on parle des priorités aéronautiques du nouveau gouvernement, on sent l’homme plus perplexe. « Le sujet est réparti entre la première ministre, une ministre de la transition écologique, une autre de la transition énergétique, auquel il faut ajouter un coordonnateur pour l’ensemble », rappelle-t-il, pensif. « Nous attendons de voir si cela va se pérenniser, ou s’il y aura à terme un ministre des transports à proprement parler. Les élections législatives peuvent encore faire bouger les lignes. Ne raisonnons pas à cinq semaines, mais plutôt à cinq mois, voire à cinq ans. »


Pour autant, Jean-Luc Charron a d’ores et déjà quelques idées à pousser auprès des intéressés – quels qu’ils soient à ce stade. Car l’artisan de la transition énergétique pour l’aéro, c’est lui. Des premiers avions électriques fédéraux, c’est encore lui. Des levées progressives de restrictions durant le COVID, c'était aussi lui. L’homme, qui se qualifie volontiers de « pèlerin », a accompli un chemin considérable qui lui donne la légitimité pour distiller quelques pistes aux membres du gouvernement Macron II.


1. Continuer à déployer l’électrique


La priorité, c’est bien évidemment la poursuite du déploiement électrique. « Il y a une défiance générale à l'égard de la parole institutionnelle - et j’y inclus notre propre parole. Donc ce qui marche, c’est la preuve par l’exemple. Il ne faut pas seulement projeter la transition énergétique. Il faut la montrer. Aujourd’hui ».


Jean-Luc Charron évoque le trajet réalisé par Jacques Carriquiriberry, responsable de la flotte des avions électriques de la FFA, reliant Toussus-le-Noble à Carcassonne en Velis, qui n’offre pourtant qu’une autonomie d’une quarantaine de minutes. Il lui fallut 34 étapes ponctuées de 21 présentations au fil de cette grande diagonale pour emporter l’adhésion des politiques et administrés ayant assisté aux étapes. « On a d’abord senti de l’étonnement, on nous demandait si le Velis était le Solar Impulse. Puis de l’écoute. Et enfin de l’enthousiasme. Les gens ont vu que l’on pouvait voler avec un avion zéro émission et sans bruit. Il n’y a que ça qui marche ».


2. SAF qui peut


Mais Jean-Luc Charron enchaîne aussitôt sur une seconde recommandation : aller simultanément sur les autres technologies de décarbonation. « Il faut dès aujourd’hui aller sur le SAF, parce qu’il sera probablement exploitable à plus court terme que l’hydrogène », explique le président. « Et puis les investissements ne sont pas les mêmes. Distribuer des Velis sur le territoire, encourager d’autres acteurs locaux dans l’avion électrique, c’est quelques millions. Développer le SAF, quelques centaines de millions. L’hydrogène, plusieurs milliards. Il faut progresser simultanément sur tous ces fronts parce qu’ils ne sont pas concurrents : nous ne sommes pas sur les mêmes technologies, les mêmes montants, ni les mêmes calendriers ».

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© FF Aéro

3. Gouverner, c’est prévoir


Troisième recommandation : la planification. C’est la cheville ouvrière de ces différents chantiers qui, jusqu’à présent, faisait défaut à la volonté politique, selon le président. Une demi-vérité car, en réalité, la plupart des objectifs de transition sont planifiés au regard des Objectifs de Développement Durable (ODD) fixés par les accords de Paris. Mais mieux planifier la transition énergétique du secteur aéronautique permettrait de la rendre plus efficace. Notamment face au secteur auto, qui risque de s’arroger la part du lion de la prochaine génération de batteries (dîtes solid state), ce qui réduirait à néant les efforts des constructeurs actuels pour des aéronefs électriques.


4. Plus souple, plus agile


Enfin, quatrième recommandation : accélération et simplification des procédures. « Dès que l’on entre dans le périmètre des « 3S », tout est verrouillé : Sécurité, Sûreté, Santé. Il ne s’agit pas de baisser nos standards nationaux ni européens, mais de permettre plus de flexibilité, plus de rapidité. Un certain nombre de certifications sont accordées quand la technologie concernée est presque déjà obsolète. On doit permettre à des start-up de proposer des solutions plus rapidement ».


Notre avis - un discours très "Jean-Luc Charron" : pragmatique, efficace, fondé sur l'expérience. L'homme est doté d'un solide réseau qui sera nécessaire pour faire passer ces messages au coeur du nouveau gouvernement. Qui, pour le moment, affiche clairement d'autres priorités, au demeurant tout aussi fondées pour réduire notre empreinte carbone : conversion électrique du parc auto thermique, rénovation ferroviaire, isolation des bâtiments "passoire", et règlement, en urgence, du problème de dépendance au gaz russe. L'arbitrage entre l'urgent, l'important et le prioritaire risque d'être explosif pour l'exécutif dans les prochaines années. Un dédale dans lequel le discours de M. Charron devra malgré tout se faire entendre.

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